Maintenant, là, tout de suite, à cette seconde, comme elle est pleine, c'est le vent fort, bourrasque de dimanche à 6 heure et des reverbères. Je sens les murs, l'immeuble en défi dans la tempête. Les oiseaux font des aiguilles sonores, des chants persant la jeunesse. Le souffle par vague choque un peu les sens. Dans la pièce à coté, quatre toiles petit format, en train de sécher, se remettre, se reposer, tandis que moi, celui là qui écrit, ce corps animé qu'on appelle emmanuel ou manu...ou mon manu, ou ça va? ou az, manouche, manouchka, pérou, l'artiste, le belge, ou slibarde, googoo, ou brodo, celui qu'on appelle comme on veut, comme on croit, ce corps qui supporte toutes ces histoires, ces appels, ce moi qui ne veut rien dire, et qui dit malgré lui, il dit quoi déjà? Il dit qu'il ne se repose pas. Il ne se repose pas sur le passé, sur ce qu'on lui a dit, qu'on a voulu lui apprendre, il ne se repose sur rien, car il n'est pas plus que ça. Pas plus que ça. Un corps parmi d'autres. Monopole humain. Ce qui m'importe dans ce corps c'est ce que je suis, ce que nous sommes. N'est ce pas. La vie anime. Arbre, la lumière de ton petit menton quand tu dis "je sais pas", quand tu te demandes pourquoi. Ton animation n'est pas qu'en toi. Quand tu es vraiment perdu tu souffles un peu plus fort, même tes yeux se plissent dans l'espoir de produire une larme, une part d'âme en cristal qui s'échappe, hors de la chair, hors du robot, névrose, tics. Il y a des millions d'années lumières de là, c'est ridicule de compter, juste une perte de temps, quelque part on sait, il n' y a jamais eu besoin de compter, on a toujours su. Est ce que l'humain a les mots pour relayer la lumière que l'on est? Y a bien un mort vivant démocratiquement dévitalisé qui va me dire "c'est pas avec ça que tu vas payer le loyer" . Je ne comprend pas ce que cette viande dit. Elle bave un peu mais je ne ressens rien. Heureusement le vent souffle fort ce dimanche matin. On respire mieux. Il balance et la ville tremble. Il frappe les fenêtres et vient nous chercher. Le souffle est un envoyé. Il n'est pas différent de tes yeux quand ils sont allumés. La seule chose qui me rassure, c'est d'entendre le vent, sentir la vie, si familière à l'infini. Se battre pour l'humanité est un crime contre la vie que nous sommes. Il n' y a pas d'idéologie, pas de religion, pas de politique, qui soit
le fruit d'une energie vitale. Toutes ces disciplines ne sont que
fourmillement humain pour le confort de l'espèce. Comment faire? Faire. Authentique. Sentir. Tout à l'heure, j'ai aimé te voir sur le chemin de terre, tu respirais comme un arbre, poumon dans le bleu bain commun, tu n'étais pas différente du ciel. Belle résistante que tu es. Tu te bats pour la vie. Pour celle qui t'anime. Ta part d'eternité. Paupière cosmique. Respire.